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Pierre Boulez, portrait muet

Je suis le Maître, toujours impassible, au sous-sol de l’IRCAM, dans l’étrange chambre sourde où je lui ai proposé de le photographier. Nous passons sur une étroite passerelle métallique et entrons dans une boîte entièrement tapissée de pics de mousse, hérissant plancher, murs et plafond. Soudain… j’expérimente le Silence ! Les dièdres de laine de verre absorbent le champ sonore. Ce silence est tel que je ressens presque un vertige ; je suis comme privé d’une partie de mon équilibre, de mon identité. Mon corps se révolte contre cette aberration.

PierreBoulez

Qui ? : Pierre Boulez
Où ? : IRCAM, Maison de la Musique, Paris
Quand ? : 29 mai 2006
Pourquoi ? : Couv. magazine Opéra
Comment ? : Dans un silence assourdissant

Je suis le Maître, toujours impassible, au sous-sol de l’IRCAM, dans l’étrange chambre sourde où je lui ai proposé de le photographier. Nous passons sur une étroite passerelle métallique et entrons dans une boîte entièrement tapissée de pics de mousse, hérissant plancher, murs et plafond. Soudain… j’expérimente le Silence ! Les dièdres de laine de verre absorbent le champ sonore. Ce silence est tel que je ressens presque un vertige ; je suis comme privé d’une partie de mon équilibre, de mon identité. Mon corps se révolte contre cette aberration. Il y a quelque chose de paradoxal dans ma situation et cela transparaît dans ce portrait, tout entier plein de silence. Rien de tel qu’une chambre « anéchoïque » pour se rendre compte à quel point j’ai besoin de percevoir la longueur de l’écho humain dans mes photos. Une lumière fade et plate, ce son au-delà du mat, une atmosphère neutre, et cette structure géométrique partout, inhumaine dans sa perfection même…Moins de son, c’est moins de vie. Inconsciemment j’ai dû vouloir expérimenter à quel point la parole, mieux, le dialogue, le brouhaha ambiant, la rumeur constante des bruits de la rue, le son qui vit, en somme, concourt à l’image juste. Le silence aussi, mais en contrepoint, ou bien le petit silence avant le déclic de l’obturateur. Mais rien ne me laissait prévoir ce grand silence assourdissant dans lequel Pierre Boulez donne l’impression de se fondre. Cela dure très peu de temps, les autres photos se feront « à l’air libre », si j’ose dire. Mais par son attitude, Pierre Boulez maintient ce temps suspendu. Tout chez lui réclame encore sévèrement mon silence ; le compositeur et le chef d’orchestre m’intiment l’ordre muet de ne pas élever la voix. Je me faisais une joie d’explorer son monde, un délice culturel. Rencontrer une oreille absolue, réputée infaillible, même un quart d’heure échanger quelques mots avec l’inventeur de la musique sérielle et du dodécaphonisme, le penseur d’une musique d’aujourd’hui qui pour moi sera toujours une musique d’ailleurs…J’imaginais un instant harmonieux, mélodieux, bruissant comme un conservatoire. Je ne suis pas déçu, je m’adapte, mais, chose rarissime dans ma carrière, je fais là mon premier portrait muet

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