David Ken, membre d’honneur de Street Photography France, est une figure emblématique de la photographie de rue. Son parcours commence à Bruxelles en 1970, lorsqu’à l’âge de huit ans, il découvre la magie de la chambre noire grâce à son cousin. Cette première rencontre avec la photographie laisse une empreinte indélébile sur lui, le propulsant dans un monde où chaque clic de l’obturateur est minutieusement réfléchi.
Des débuts modestes à une carrière prestigieuse dans la photographie de mode et publicitaire, David Ken n’a jamais perdu de vue sa passion pour la photographie de rue. Aujourd’hui, il continue de capturer l’authenticité et les surprises de la vie urbaine, partageant son savoir et son expérience à travers des masterclasses et des projets inspirants comme « FACING PARIS ». Découvrez son parcours fascinant, ses influences et sa vision unique de la photographie de rue.
On pose les questions à David:
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a conduit à la photographie, en particulier à la photographie de rue ?
Bruxelles 1970, tout a commencé par un émerveillement, je venais d’avoir 8 ans lorsque mon cousin m’a emmenée dans sa « chambre noir ».
Rien que ce nom évoquait le mystère et piquait ma curiosité, il avait un boîtier Minollta srt 101b avec une optique incroyable qui pouvait voir dans la nuit, un 50mm 1.2!
Il me raconta sa prise de vue de la veille et nous voilà dans sa « chambre noire » pour développer son film Trix-x 400. Cuve Paterson, lumière inactinique et la découverte d’un négatif.Là, il me montra comment il allait faire apparaitre comme par magie une image sur un papier photo 24X30.
3 bains, révélateur, fixateur, et enfin le bain d’arrêt .
Je revois encore aujourd’hui la révélation de l’image, c’était magique.
Ensuite, tous mes loisirs, tous mes cadeaux d’anniversaires furent tournés vers la photographie.Je photographiais mes amis, ma famille; les voisins… comme nous n’avions pas beaucoup de moyens, chaque déclenchement était pensé, réfléchi.Il m’arrivait souvent de voir mes images trois mois plus tard, car dévelloper un film de 36 poses se méritait.
Ensuite, je n’ai eu de cesse de comprendre, d’analyser et surtout d’apprendre sans cesse.
La photographie de rue est très vite devenue mon terrain de jeu et encore aujourd’hui ma passion reste intacte, on a jamais fini d’apprendre.
Ma carrière de photographe de mode dans les années 80/90 et la photographie de publicitaire n’ont été que le prolongement de ce premier emmerveillement que je souhaite à tous le monde.
Quelles ont été les principales influences dans votre carrière de photographe de rue ?
Question très vaste, je peux, bien sur vous citer une foule de photographes inspirants comme Henri Cartier Bresson, Doisneau, Edouard Boubat, Atget, mais aussi Gary Winogrand , Martin Munkasci, Harry Gruyaert, Sabine Weiss, Rober Franck, Salgado, Walker Evans… et bien sur mon préféré… Elliot Erwitt cette liste n’étant pas exhaustive elle permet de comprendre la grammaire nécessaire pour comprendre cette langue simple et à la fois complexe qu’est la photographie de rue.
À 23 ans, vous avez débuté dans la mode et travaillé avec des magazines prestigieux. Comment avez-vous réussi à intégrer la photographie de rue dans votre carrière ?
Ma période mode et publicitaire m’ont éloigné de ma pratique quotidienne de la photographie de rue car à l’époque je voyageais neuf mois par an et mes seuls moments de libertés étaient les jours de repérages.
Mes photos de modes étaient des photos de rue dirigées, aujourd’hui on appelle cela des photos lifestyle.
Le lien était évident pour moi, même si à l’époque la mode était plus statique et prétentieuse.
Raconter une histoire, c’est déjà de la photo de rue !
Qu’est-ce qui vous attire tant dans la photographie de rue, et comment la pratiquez-vous au quotidien ?
Aujourd’hui, je suis revenu à une pratique quotidienne, je pars le matin de chez moi pour me rendre à mon studio et je change de chemin chaque jour. j’affute mes reflexes, mon regard et surtout je me connecte au monde.
Ce qui continue à me fasciner, c’est que la photographie de rue n’a pas de fin, chaque ville offre ses surprise, ses découverte, ses rencontres.
Comment votre projet « FACING PARIS » a-t-il évolué et quel impact a-t-il eu sur votre carrière de photographe de rue ?
FACING PARIS est un projet de plus de 15 ans qui retrace mon parcours de photographe de rue.Il n’y a pas de but défini ni de finitude, je suis fondamentalement égoïste car ce voyage est personnel sans but de montrer ou de partager.Je trouve très prétentieux de prétendre savoir.
Je doute chaque jour et c’est ce doute qui me maintient en éveil .
Un jour, je partagerai ce voyage et toutes mes réflexions dans un ouvrage qui pourrait s’appeler « Les propositions du hasard »
Pouvez-vous nous parler de l’importance de capturer des moments authentiques dans la photographie de rue et comment vous parvenez à le faire ?
Il y a plusieurs types de photographies de rue, mais pour moi un bonne image et celle que je ne peux pas reproduire. Si je peux refaire sans cesse un coucher de soleil aussi beau soit-il , je m’ennuie .
Si je capte une émotion, une situation, dans un cadre maîtrisé j’appelle cela une « plaque » et si vous faites 10 plaques par an vous êtes un bon photographe, si vous en faites 15 pendant 20 ans vous êtes un génie.
Je n’ai pas de recette, mais si vous êtes réellement passionné et téméraire, si vous essayé de sortir de vos zones de confort chaque jour, vous êtes déjà sur la bonne voie.
Comment percevez-vous l’évolution de la photographie de rue avec l’avènement des nouvelles technologies et des réseaux sociaux ?
La multiplication des réseaux de diffusions (réseaux sociaux) ont permis aux photographes amateurs passionnés d’avoir potentiellement la même audience que les photographes professionnels (qui vivent de la photographie) et paradoxalement on pourrait dire que trop d’images tue l’image. J’appelle cela « un nuage de poussière numérique ». Nous sommes passé à l’ère du « prêt à jeter ».
Le « SWAP » remplace l’analyse, notre cerveau n’a plus le temps d’intégrer et d’analyser une image, pourtant c’est le seul processus qui vous permettra de réagir au millième de seconde face à une situation extraordinaire qui se présentera devant vous dans le rue. C’est cela que j’appelle les « propositions du hasard ».
Je pense que »prendre son temps » est nécessaire, si je peux donner un conseil aux jeunes générations, ce serait de « re-prendre son temps », décélérer, lire et acheter les livres des photographes qui vous ont précédés. Aiguisez votre sens critique, affirmez-vous car vous êtes uniques.
L’IA générative est une réelle révolution dont nous ne percevons pas l’ampleur.Tous les métiers photographiques seront touchés.
Mais la bonne nouvelle c’est que « l’expérience photographique » sera revalorisée.
Pour ceux qui connaissent le LOLPROJECT qui consiste à faire éclater de rire des vrais humains en leur faisant vivre une réelle expérience, je ne pense pas que l’IA générative puisse remplacer un instant vécu, une émotion qui se transmet.
Pour les photographes qui photographient de jeunes mariés, personne ne remplacera ce moment unique.L’IA les aidera à choisir ou retouché plus vite et ça leurs permettra d’éviter les tâches répétitives sans intérêt.
Enfin pour ceux que j’accompagne lors de mes Masterclass » personnes ne remplacera ces moments partagés.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes photographes qui souhaitent se lancer dans la photographie de rue aujourd’hui ?
J’ai déjà répondu partiellement à cette question, mais j’ajouterai que s’inspirer n’est pas copier, n’essayez pas d’être « les autres » ils sont déjà pris! Soyez sincère avec vous-même, explorez, travaillez, avec de l’audace, toujours de l’audace, encore de l’audace (Danton)
Votre devise « Le meilleur est à venir, mais profitons aujourd’hui » est inspirante. Comment cette philosophie se reflète-t-elle dans votre travail de photographe de rue ?
N’attendez pas d’avoir le meilleur matériel, la meilleure température…sortez la truffe à l’air et savourez cette liberté qui vous est offerte.
Comment maintenez-vous un regard positif et utopiste dans un monde souvent marqué par des crises et des défis, notamment dans le contexte de la photographie de rue ?
Etre positif c’est être gagnant, car les pessimistes lâches toujours l’affaire avant vous !
J’adore cette phrase de Sénèque « « La vie, ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie. ».
Tant que vous avez des projets, vous êtes vivant !
Quels sont vos projets futurs, tant professionnels que personnels, dans le domaine de la photographie de rue ?
Aujourd’hui je suis dans la transmission, après plus de 40 ans de photographie professionnelle, j’ai un réel plaisir d’éveiller de jeunes et moins jeunes photographes lors de mes MASTERCLASS de Street photographie ou de portrait en Studio.
Le merveilleux collectif de streetphotographie France est un prolongement naturel dans cette nouvelle vie.
Rencontrer une communauté de passionnés, échanger, partager, quel beau programme !