L’entreprise en crise…de fou rire !
Bien qu’il n’ait pas été conçu pour l’entreprise, le LOL Project est en train de s’y introduire et
d’y développer ses applications.
Petite histoire d’un concept qui s’appuie sur la photographie et sur l’expression la plus positive : le rire.
A l’origine, il y deux hommes, un pari un peu fou et Facebook.
À l’arrivée, cela s’apparente à un phénomène de société.
Pour peu que l’on utilise les réseaux sociaux et que l’on s’intéresse aux formes de management
d’une communauté, il est difficile aujourd’hui d’ignorer ce qu’est le LOLProject.
LOL, comme l’abréviation de Laughing out loud (éclater de rire), dont les internautes usent et
abusent pour ponctuer leurs commentaires.Nécessité du réseau social
Associés depuis 11 ans au sein de l’agence Pueblo, le photographe David Ken et le directeur
artistique William Lafarge ont d’abord eu l’idée d’incarner ce « LOL »,
de lui donner des visages, en photographiant un millier de personnes au moment précis
où elles éclatent de rire. Fin 2009, ils se donnent un an pour mener à bien le projet
avec pour seules finalités un livre et une exposition.
Mais qui photographier?
La réponse est claire, c’est tout le monde. Tout ceux, en tout cas, qui ont envie
de vivre l’expérience, qu’ils soient connus ou inconnus et quels que soient leur physique et leur âge.
Sans casting, pour recruter les volontaires un seul moyen s’impose : la création d’une page Facebook.
La procédure est simple : cliquer sur « J’aime », devenir fan, s’inscrire sur la liste des volontaires
et… attendre que l’on vous rappelle. Au moment du lancement, l’objectif est de rassembler 10 000 fans
sur la page du LOL Project. Un an et demi plus tard, on en dénombre 34 500 !
Quant à la liste d’attente pour être « lolélisé », David Ken préfère ne pas en parler.
Moment privilégié
Le succès tient probablement à une conjonction de facteurs dont le premier semble être la personnalité
de David Ken.
D’abord, se faire tirer le portrait chez lui, auteur notamment de grandes campagnes de publicité, est
forcément plus valorisant que de rendre visite à son photographe de quartier.
Ensuite, ses qualités humaines font l’unanimité.
Une fois la séance accomplie, les photographiés ne tarissent pas d’éloge sur David, qu’ils ont côtoyé
seulement 20 minutes, mais qui leur a offert un vrai moment d’intimité.
« Ce qui m’intéresse dans la photographie, c’est de saisir quelque chose qui ne peut pas
être répété, dupliqué, explique David Ken, et pour le Portrait LOL, j’attends l’instant du lâcher prise.
Le rire est la chose la plus compliquée à obtenir. Je n’ai pas de recette, seulement une méthode
que j’adapte en fonction des personnes et cela demande une implication de ma part.
Certains me donnent de l’énergie, d’autres m’en prennent terriblement… »
Entreprises pionnières
Si des milliers de personnes souhaitent participer au projet, c’est aussi parce qu’il a pris
la forme d’une communauté dont l’image est fatalement positive, et que la tendance est d’en être.
Il n’est donc pas étonnant que de plus en plus d’entreprises le regardent de près.
La première à en avoir saisi l’impact est France Télévision qui, dès fin 2009, a confié à David Ken
une campagne qui déclinait des portraits LOL de ses animateurs.
Dans la foulée, le mensuel Stratégie a sorti un numéro spécial en février 2010,illustré de 500 photos LOL
Depuis, les entreprises ont eu recours au projet dans des circonstances et à des fins variées.
L’an dernier, pour l’ouverture de son magasin sur les Champs-Elysées, SFR a affiché des Portraits LOL grand format de chacun des vendeurs.
Le hic, c’est qu’ensuite les salariés de tous les autres points de vente réclamaient la même chose.
« Je suis obligé de refuser les entreprises qui demandent trop de portraits, regrette David Ken,
car je ne peux pas en faire plus d’une quinzaine par jour et il n’est pas envisageable que j’aligne
20 jours de prises de vues. Je ne suis pas une machine et je dois éviter l’usure, conserver la sincérité et la bienveillance… »
Du côté de l’entreprise, il existe également un frein à la multiplication : le coût de l’opération.
Car si le LOL est gratuit pour tous les participants à titre individuel,
la journée en entreprise est facturée autour de 8 000 €.
« En fait, pour les particuliers, c’est notre agence qui finance tout
et cela représente déjà près de 90 jours de studio, sans compter les jours d’édition et de montage,
car nous réalisons aussi des petits films à partir des séances.
Les gains des entreprises, nous les utilisons pour financer une partie du projet dans les hôpitaux. »
Effets multiples
Le LOL s’est déjà déplacé à l’hôpital de Garches, et des contacts sont en cours avec trois
hôpitaux parisiens. C’est un aspect qui a pesé dans la décision de Flichy Grangé Avocats d’utiliser
le LOL pour confectionner sa carte de voeux 2011.
« Nous étions 48, et les portraits ont été réalisés en trois jours, raconte Olivier Kress, avocat associé.
Bien sûr, ce n’est pas donné, mais l’aspect caritatif est intéressant. Nous nous sommes fait plaisir
et, en même temps, nous avons contribué à quelque chose d’important. »
Comme c’est souvent le cas, l’idée est venue d’une collaboratrice qui avait testé le LOL à titre individuel.
« J’en ai parlé à Olivier, car j’avais trouvé l’expérience formidable, se souvient Marie-Astrid Bethenod
David est à 15 centimètres de vous et il fait tout pour vous faire rire. C’est un véritable one man show,
mais on est deux ! Chaque année, le cabinet met en scène l’ensemble des collaborateurs pour sa
carte de voeux et nous cherchions justement ce que nous allions faire. »
À la réception de la carte, les retours des clients ont été extrêmement positifs.
Mais pour Olivier Kress, ce n’est pas le seul bénéfice de cette opération.
« Certes, il y a l’image de l’avocat que nous voulons dépoussiérer, car nous avons tous entre 30 et
40 ans et même si nous faisons notre travail très sérieusement, nous ne nous prenons pas au sérieux.
Mais il y a aussi les effets en interne. Nous avons beaucoup échangé sur la façon dont chacun avait
vécu l’expérience.
Le LOL a créé du lien, du partage. La carte de voeux fait part de ce partage. »
Au sein du cabinet, il y avait évidemment quelques éléments réticents. Les plus timides, les moins
décontractés. Mais, poussés par les autres, ils y sont tous allés et en sont revenus totalement détendus…
Prime de rire à l’embauche
Dans un autre registre, le LOL a déjà été déterminant au moins une fois lors d’un recrutement.
Un jour, au cours d’une séance, David Ken voit arriver un homme complètement démoralisé.
« Il m’explique qu’il vient de perdre son emploi, mais qu’il est venu quand même, parce qu’il était
inscrit depuis longtemps. Il était directeur commercial. Lorsqu’il a eu la photo, il l’a mise sur son CV
et ça a marché ! Il m’a raconté qu’il avait eu un entretien d’une heure dont la moitié avait été
consacrée au LOL. Il a été engagé et l’entreprise a décidé d’offrir le LOL à ses employés ! »
Néanmoins, on peut se demander si tous les salariés sont forcément enclins à donner de leur entreprise
une image aussi réjouissante.
« Cela dépasse le cadre de l’entreprise, répond David Ken. La photo, c’est pour vous,
c’est l’entreprise qui vous la propose et qui vous l’offre.
Après, elle peut décider d’exposer ces photos pour célébrer les personnes qui y fi gurent. »
Célébrés, tous les participants devraient l’être un jour au-delà de leurs espérances. David Ken négocie
une incroyable exposition de l’ensemble de ces portraits, pour au moins une journée, sur tous les
espaces d’affi chage de la capitale. Le nom de code du projet : I LOL PARIS.
Le décisionnaire : la Mairie, qui a dit oui, mais qui ne l’a pas encore écrit. ◆
Par Sylvie Nicolet Journaliste de la rédaction
Les Cahiers du DRH – n° 174 – Mars 2011
